Gilson et Malagasy, Jazzman Records, 2014
Dans l'histoire du jazz,
nombreux sont les musiciens qui se sont tournés
vers le continent africain pour y trouver une source d'inspiration.
Je pense surtout ici à des musiciens afro-américains tels que John
Coltrane, Miles Davis, Don Cherry, Phil Cohran et son Artistic
Heritage Ensemble ou encore le Art Ensemble of Chicago. Cette
démarche est logique
puisqu'elle
s'inscrit
dans un processus naturel
de retour aux sources. Le musicien français Jef Gilson s'est
également tourné vers l'Afrique vers la fin des années 1960.
Cependant,
c'est
comme invité qu'il se rend à Madagascar. Ce
qui ne
devait être au départ qu'une série de concerts, en
plus de
quelques ateliers musicaux, s'est
rapidement transformé en une aventure résultant en plusieurs heures
d'enregistrements et la parution de trois
albums
pendant la première moitié
des années 1970.
En avril
dernier, l'équipe de Jazzman
Records, en
collaboration avec la succession de Jef Gilson, a
fait
paraître un magnifique
coffret
documentant
ce qu'on
pourrait catégoriser comme la
période malgache de Jef Gilson. Ce
coffret
inclus
les trois albums du groupe Malagasy ainsi que près d'une heure
trente d'enregistrements inédits.
C'est en mai1968, alors
que la France est en pleine révolution sociale, que Jef Gilson
accompagné de deux autres musiciens se rend pour la première fois à
Madagascar. Le contexte en France étant plutôt chaud fait
en sorte que les trois musiciens demeurent dans l'île plus longtemps
que prévu. Ce premier
séjour a
permis à
Gilson de découvrir le talent des musiciens locaux
pour lesquels il
ne fera
que des éloges :
''
Nous avons rencontré au moins vingt musiciens dont le niveau est
celui d'excellents amateurs et cinq ou six d'entre eux, avec un peu
de pratique égaleraient facilement le niveau des meilleurs
musiciens européens et pourraient même atteindre celui du niveau
afro-américain.''
Après
ce premier séjour qu'on pourrait catégoriser d'exploratoire,
Gilson rentre en France avec
l'idée de retourner à Madagascar pour y former un groupe.
Il retournera
sur l'île
l'année suivante, armé d'une console Revox,
de deux microphones ainsi
que de quelques disques dont
Karma de
Pharaoh
Sanders.
Le
résultat de ce voyage est le premier disque de Malagasy
qui s'apparente
quelque
peu au
jazz
enregistré par
John Coltrane pour le label Impulse! à la même époque. Le groupe
se permet même une reprise très inspirée
de The
Creator has a master plan issu
de l'album Karma de Pharaoh Sanders.
En
1972, alors que le contexte politique de Madagascar est frappé
d'instabilité, plusieurs jeunes musiciens malgaches
quittent le pays pour tenter leur chance à Paris. Jef Gilson en
profite pour assembler une nouvelle mouture de Malagasy, qui prendra
cette fois la forme d'un sextet mettant en vedette de jeunes
musiciens dont le multi-instrumentiste Sylvin Marc. Le groupe fait
beaucoup de concert et enregistre rapidement un album en
concert
au
club Newport de Paris.
Par la
suite, les
jeunes musiciens manifestent leur désir de s'émanciper
d'un jazz un peu conventionnel pour plutôt jouer
leurs
compositions dans un registre beaucoup plus exploratoire.
Gilson leur offre alors la chance d'enregistrer un album pour son
label Palm. Le disque de Malagasy
intitulé
Zao Malagasy Now-Maintenant
est
probablement le plus difficile à assimiler de la discographie du
groupe. Cependant,
c'est probablement celui où
l'inspiration du folklore malgache
est la plus évidente, principalement grâce
à l'utilisation d’instruments traditionnels
comme en témoigne la pièce Valiha
Ny Dada.
.
Plusieurs
décrivent souvent Jef Gilson comme le grand oublié de l'histoire du
jazz français. J'aime plutôt penser
qu'il s'agit d'un musicien qui a eu le sagesse de savoir s'effacer
pour faire ressortir le meilleur des musiciens qu'il accompagnait
et/ou dirigeait. Car si Gilson était un pianiste habile, il était
surtout un excellent compositeur, arrangeur, chef d’orchestre et
même mentor.
Il avait le flair pour repérer de
nouveaux talents et les guider afin de leur
permettre de révéler leur plein potentiel. Ce superbe coffret
permet donc d'apprécier les enregistrements exceptionnels de la
période malgache
de Gilson, mais également de saisir la démarche de ce musicien hors
norme dans la réalisation de ces enregistrements.
Vous
pouvez
écouter l'intégral
de ce coffret sur le site Bandcamp de Jazzman. Cependant, je vous
recommande vivement l'achat du disque si ce n'est que pour les
excellentes notes rédigées en français par Jérôme ''Kalcha''
Simonneau.
Par ici pour le site bandcamp de Jazzman Records.
Par ici pour le site bandcamp de Jazzman Records.
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