Dec 14, 2008

5 France

Nino Ferrer, Métronomie, Barclay, 1971

Principalement connu pour ses succès pop et légers des années 1960 tels que le téléphon et les cornichons, Nino Ferrer a produit pendant les années 1970 des albums plus engagés et expérimentaux, dont Métronomie qui sombra dans l’oubli dès sa parution en 1971.

En 1967, après avoir connu la gloire et le succès, Nino Ferrer décide de quitter la France pour s’installer en Italie. De 1967 à 1970, il devient un acteur, animateur de télé et chanteur très populaire grâce à des versions italiennes de ses succès français. Finalement, après trois ans d’exil, il décide de retourner en France pour y poursuivre sa carrière musicale. Il s’installe alors dans une grande maison de la région de Quercy dans le sud-Ouest de la France. Il y aménage son studio et décide de mener sa carrière comme bon lui semble. Avant son départ d’Italie, Nino Ferrer enregistre Rats’N’Roll, un album live paru exclusivement en Italie. Cet album marque le début de sa collaboration avec le musicien anglais Mickey Finn. Cette collaboration sensibilise Nino Ferrer à découvrir davantage la musique rock et progressive anglo-saxonne. Rat’s n Roll fut un authentique flop comprenant des versions italiennes des chansons qui allaient se retrouver sur Métronomie paru en France l’année suivante.

Paru en 1971, Métronomie est un court album concept expérimental qui cadre parfaitement dans l’esprit musical de Paris du début des années 1970. Considéré comme le premier véritable album de Nino Ferrer, Métronomie est conçu comme un tout où les chansons s’enchaînent à l’aide d’intermèdes et d’effets sonores. Le ton de l’album se détache totalement de la légèreté des enregistrements précédents et révèle le côté cynique et expérimental de Nino Ferrer. Le disque fut bien sûr un autre un flop commercial éclipsé par son seul « hit » : La maison près de la fontaine, dont le 45 tours s’est écoulé à plus de 500 000 copies.

À écouter :

Métronomie est un court album d’à peine une demi-heure qui comprend seulement 8 chansons dont 3 pièces instrumentales. Malgré sa courte durée, l’album est le plus accompli de Nino Ferrer tant au plan de la composition que des arrangements ; c’est un album qui se mériterait même selon moi d’être considéré comme un des chefs-d’œuvre de la musique populaire française moderne… rien de moins.

La pièce Cannabis est une chanson funky dans laquelle Nino Ferrer chante les louanges du cannabis, du hasch et de la cocaïne. Très différent des cornichons et pots de moutarde dont il parlait 5 ans plus tôt.

Écouter - Cannabis

Dec 4, 2008

4 Brésil

Jorge Ben, Africa Brasil, Philips, 1976

Ma récente passion pour la musique du monde m’a inévitablement amené à me procurer plusieurs disques du Brésil ; la musique brésilienne étant sans doute l’une des plus diversifiées et riches au monde. Au départ, influencée par des traditions héritées de l’Afrique, de l’Europe, principalement du Portugal, et de l’Amérique du Sud, la musique Brésilienne a évolué et créé certains des styles les plus influents au monde tels que la samba, la bossa-nova et le tropicalisme.

La beauté de la musique brésilienne est son caractère populaire. Chaque peuple, chaque région semble avoir ses sons, ses rythmes, ses instruments et ses traditions. On sent d’ailleurs qu’il s’agit d’une musique du peuple, une musique ancrée dans la réalité qui rythme chacune des activités quotidiennes. On dirait même que chaque occasion est prétexte à la danse ou à la création d’un nouveau style.

Les disques de Jorge Ben peignent un portrait de l’évolution de la musique brésilienne moderne. Ayant débuté sa carrière au début des années 1960, le musicien enregistre pendant les années 1960 et 1970 plusieurs albums où il maîtrise et fusionne la samba, la bossa nova, le tropicalisme, le soul, l’afro-beat et plusieurs autres styles. À l’écoute de ses disques, on constate qu’il est un guitariste extrêmement talentueux pour qui chaque style semble naturel. Pourtant malgré les mélodies simples et leur caractère suave et relax, les chansons de Jorge Ben ont des arrangements complexes et subtils.

Le disque Africa Brasil, paru en 1976, est sans équivoque le chef-d’œuvre et le point culminant de la carrière de Jorge Ben. Comme son titre l’indique, cet album mélange la musique brésilienne avec la musique africaine. Cette fusion se traduit par des compositions et orchestrations basées sur des instrumentations et des rythmes typiquement brésiliens qui sont appuyés par des choristes qui rappellent la musique de l’Afrique de l’Ouest de la même époque. Africa-Brasil est un album essentiel où le ton festif est donné dès la première note de la première mesure de la première chanson et se poursuit jusqu’à la fin.

À écouter :

L’album contient 12 chansons et il est difficile d’en sélectionner une seule. J’ai choisi Taj Mahal, la 6ième piste de l’album, tout simplement parce qu’il est impossible d’arrêter de siffler sa mélodie contagieuse après son écoute. D’ailleurs, Rod Stewart à juger bon de plagier honteusement le refrain pour créer son méga succès Do you Think I’m sexy. Mention honorable également au joueur de cuica, cet instrument natif du Brésil rappelant un couinement d’oiseau, qui joue à une vitesse hystérique.


Écouter - Jorge Ben - Taj Mahal


Nov 25, 2008

3 Syrie


Omar Souleyman, Highway to Hassake (Folk and Pop Sounds of Syria), Sublime Frequencies, 2006

Localisé au cœur du Moyen-Orient, la Syrie était jadis un véritable carrefour culturel qui rayonnait à travers le monde Arabe. Le pays a conservé aujourd’hui ses traditions musicales plus classiques, mais sa musique populaire s’inspire désormais davantage de la culture de masse populaire de l’Égypte et du Liban.

En Syrie, il semble qu’Omar Souleyman soit une légende. Son impressionnant catalogue de cassettes, qui comprend quelque 500 titres, serait visible et disponible tant sur les tapis des vendeurs itinérants que dans les marchés et boutiques de l’ensemble du pays. Highway to Hassake, son premier cd disponible en Amérique du Nord, est un échantillon qui comprend les meilleures pièces issues de ces cassettes produites entre 1996 et 2006.

La compagnie Sublime Frequencies présente le disque Highway to Hassake comme un portrait de la musique populaire syrienne actuelle. La musique d’Omar Souleyman semble être conçue avec l’objectif d’aliéner une audience en la gavant de rythmes rapides et répétitifs. Plutôt simples, la majorité des pièces prennent la forme de chanson à répondre où chaque court couplet est suivi de quelques mesures de claviers ou de luth jouées à une vitesse frôlant l’hystérie. Le tout est appuyé par une section rythmique synthétique, répétitive et frénétique ainsi que des mélodies et instrumentations qui rappellent la musique libanaise, turque, iraquienne et égyptienne. La qualité des enregistrements est souvent passable, parfois même médiocre, et Omar Souleyman n’est certainement pas un grand chanteur ; malgré ce manque de finesse et de subtilité, sa musique a le mérite d’être déstabilisante, entraînante et vraiment efficace.

À Voir :

Le vidéo pour la chanson « Leh Jani », première piste du cd, est tout simplement incroyable. On y voit Omar Souleyman se faire aller la moustache et les lunettes, en compagnie de ses musiciens devant un auditoire en délire. C’est bordélique et chaotique, mais franchement sympathique.

''Leh Jani''


Nov 18, 2008

2 Pologne

La diversité de la musique enregistrée en Pologne est impressionnante : en plus d’avoir hérité d’une grande tradition classique et folklorique, le pays s’est illustré tant par la qualité et l’avant-gardisme de sa musique jazz que par son blues, rock fusionné de funk et aux allures progressives.


Jerzy Milian, Orkiestra Rozrywkowa Peitv, Muza Polskie Nagrania, 1970

Au départ plus traditionnel, le jazz polonais fut rapidement transformé par plusieurs musiciens dont le pianiste Krystof Komeda. Les déclinaisons et l’évolution des styles sont perceptibles à l’écoute des volumes de la série Polish Jazz par la compagnie de disque nationale : Muza Polskie Nagriana. Cette série produite à partir du début des années 1960 contient, entre autres, les enregistrements des festivals Jazz Jamboree ainsi que certains albums clés comme ceux de Komeda, du Polish Jazz Quartet et de Thomasz Stanko.

Le vibraphoniste Jerzy Milian est un de ces grands noms du jazz polonais. En plus de jouer pour de nombreux trios, quartets ou quintets, il enregistra pendant sa longue carrière plusieurs albums dont le classique ‘Bazaar’ en 1967. La pièce Gacek, tirée d’un de ses albums subséquents, lui permet d’approfondir ce registre un peu groovy et typique du jazz européen de la fin des années 1960 et 1970. Avec ses orchestrations de cordes, ses mesures de flûtes traversières, de vibraphones ainsi que les voix des choristes, Gacek rappelle également le son de certains artistes qui enregistrèrent pendant la même période sur l’étiquette allemande de disques MPS.

Jerzy Milian, Gacek : http://www.sendspace.com/file/zekcqn


Blackout, Muza Polskie Nagrania, 1967

Formé en 1965, le groupe Blackout est l’un des premiers groupes pop revendicateurs du pays. La collaboration du groupe, surtout du guitariste et principal compositeur Tadeuz Napela avec le poète Bogdan Loebl, a résulté en l’enregistrement de quelques-uns des premiers hits à saveur politique du pays tels que Te omby Leca Na Nasz Dom (These bombs fall on our home) ou encore Pozwolcie Nam Zyc (Let us live).

Le son de Blackout s’apparente aux Yardbirds, Animals et autres groupes de l’invasion Britannique des années 1960. Malgré cette ressemblance évidente, les structures des chansons, le style de jeu de l’organiste, les textes en polonais, les voix enregistrées légèrement en écho du chanteur Stanislaw Guzek et de la chanteuse Mira Kubasinska permettent à Blackout de se former un son propre à lui et de se détacher du lot des nombreux groupes de la même époque.

Moins d’une année après la parution de l’album, Blackout change de nom pour Breakout. Les membres du groupe enregistrent pendant les années 1970 plusieurs albums où ils mélangent le folk, le blues, le funk et le progressif. Malheureusement, la disponibilité de ces albums est toujours limitée. Vous trouverez quelques titres disponibles en import via des sites comme celui de Dusty Groove ou celui de Polskie Nagrania (toujours actif). L’excellente série Polish Funk produite par Polskie Nagrania, qui compte actuellement trois volumes, est sans doute un bon point de départ.

Blackout : http://www.sendspace.com/file/6j02t0

Breakout : http://www.sendspace.com/file/am4zhc