Dec 21, 2009

14 Inde

Rahul Dev Burman, Hum Kisise Kum Naheen, EMI, 1977.

La musique indienne est un monde vaste dans lequel j’ai encore bien de la difficulté à m’orienter ; l’Inde étant le deuxième pays le plus peuplé au monde, il est normal que sa production culturelle soit exhaustive et abondante. Écouter des bandes sonores des films de Bollywood est sans doute une bonne manière de s’introduire dans ce monde musical chaotique.

Intimement lié aux arts de la scène, la culture populaire indienne a véritablement connu une révolution avec l’avènement du son dans le cinéma au début des années 1930. Contrairement aux arts de la scène conventionnels, le cinéma permettait de réaliser des chorégraphies plus ambitieuses et d’en amortir les frais de réalisation sur plusieurs présentations. Ainsi, il devenait possible pour les réalisateurs d’imaginer et de mettre en scène des chorégraphies plus complexes impliquant plus de danseurs, de costumes et des décors plus grandioses. Il semblerait que certains producteurs obsédés trouvèrent le moyen de mettre en scène plus d’une cinquantaine de chansons dans un même film. Aujourd’hui, l’industrie du film indien est l’une, sinon la plus développée au monde et produit chaque année d’innombrables films d’action et comédies romantiques traitant sous toutes les facettes humainement possibles de l’amour.

Bien que les années 1950 soient catégorisées dans certains ouvrages comme l’âge d’or des compositeurs de bandes sonores de films, c’est plutôt au tournant des années 1970 que furent enregistrées les musiques de films les plus intéressantes. À cette époque, c’est une nouvelle génération qui prend la relève et celle-ci mélangea davantage les styles musicaux occidentaux tels que le rock psychédélique, le disco et le funk aux rythmes traditionnels indiens. De ces jeunes compositeurs, Rahul Dev Burman, considéré comme celui ayant révolutionné l’art de la musique de film en Inde, est sans doute un incontournable. Né à Calcutta et fils du célèbre compositeur Sachin Dev Burman, R.D. Burman composa sa première chanson dès l’âge de 9 ans. En raison de la qualité de celle-ci, son père l’enregistra avec son orchestre pour le film Funtoosh en 1956. R.D. Burman poursuivit ensuite sa carrière en assistant son père pour finalement voler de ses propres ailes et produire quelques 300 bandes sonores de films.

De l’ensemble de ces bandes sonores, celle du super hit Hum Kisise Kum Naheen, réalisé par Nasir Hussain en 1977, se démarque par son intensité et surtout sa qualité d’ensemble. L’histoire du film qui est plus ou moins intéressante, raconte la quête de Rajesh, un jeune chanteur de cabaret qui tente de retrouver la fortune familiale. Bien qu’il y ait des poursuites de voitures et des diamants cachés dans une ceinture, le film est loin d’être un chef-œuvre à la hauteur de sa bande sonore. Le disque débute avec un long medley d’une douzaine de minutes où R.D. Burman donne tout ce qu’il a ! Et contrairement à trop de bandes sonores qui s’essoufflent après quelques chansons, l’intensité d’Hum Kisise Kum Nasheen se poursuit jusqu’au dernier sillon de la face B !



Nov 25, 2009

Enfin !!!

Sjob - Movement, 1974

Mebusas Vol. 1 - Blood Brothers, 1973

Enfin.. après 6 mois d'attente, les ré-éditions de ces deux disques d'afro-rock nigérien, originalement paru dans les années 1970, sont maintenant disponibles. Ces deux disques font suite à l'excellente ré-édition du premier disque d'Ofege, ce groupe de jeunes étudiants de Lagos, paru l'année passée sur Academy Annex.


Mebusas - Son of Mister Buldog

Oct 6, 2009

Hors-Série : De la lumière sur le côté Sud

Numero Group de Chicago sortira en novembre prochain un impressionnant coffret intitulé A Light On The South Side, documentant les clubs du quartier South Side à Chicago pendant les années 1975 à 1977.

Le coffret comprendra 2 disques vinyles ainsi qu'un livre à couverture rigide incluant des photos 'vintage' de Micheal L. Ambramson et un essai de Nick Hornby, auteur du best-seller Haute Fidelité.

Malade....!

Détails, photos et extraits sonores sur le blog du New York Times et sur le site de Numero Group.



Sep 28, 2009

13 Belgique

Marc Moulin, Sam’ Suffy, CBS, 1975.

La période de la fin des années 1960 et du début des années 1970 est sans doute l’une des phases des plus exploratoires de l’histoire de la musique moderne. C’est probablement le contexte de libéralisation et de modernisation de l’époque combiné à l’émergence de plusieurs innovations technologiques qui a ainsi poussé de nombreux musiciens à explorer de nouvelles textures musicales et à fusionner les genres. Le pianiste belge Marc Moulin est l’un de ces musiciens dont les expérimentations ont influencé le cours de l’histoire de la musique jazz et électronique, en plus d’inspirer de nombreux groupes et musiciens contemporains tels que Air, Stereolab, DJ Shadow et autres.

En 1969, Marc Moulin forme, avec le guitariste Philip Catherine, le groupe Placebo. Pionnier dans le genre de l’acid jazz, Placebo était en quelque sorte un collectif des musiciens de l’avant-garde belge de l’époque. Fusionnant des structures musicales et des arrangements hérités du funk, du jazz et du rock, ils créent une musique très cinématographique, rappelant parfois les bandes sonores de films de Serge Gainsbourg et Michel Colombier, où le côté exploratoire se manifeste principalement par l’utilisation de claviers et autres nouvelles machineries électroniques. Entre 1971 et 1974, le groupe enregistre trois très bons disques, dont certaines des pièces comme Balek et Humpty Dumty sont devenues des morceaux cultes de l’acid jazz.

Placebo – Humpty Dumpty



En 1975, moins d’une année après la séparation de Placebo, Marc Moulin enregistre le long jeu Sam’ Suffy. Ce disque, qui est la suite logique de ceux de Placebo est toutefois plus minimal et expérimental. L’univers de Sam’ Suffy, parce qu’il en est tout un, prend forme autour du trio composé de Marc Moulin (piano/claviers), de Richard Rousselet (trompette) et de Bruno Castelluci (batterie). Cette formation réduite est beaucoup moins rigide que celle de Placebo et laisse place davantage à l’expérimentation. Les musiciens explorent ainsi tant par l’utilisation de nouveaux instruments, telle qu’une basse électrique à fréquences modulables que par la transgression des structures habituelles de la musique jazz. La quasi moitié du court disque est d’ailleurs consacrée à une suite ambiante de quatre chapitres (Tohubohu) où les musiciens imitent des sons d’animaux de la jungle à l’aide de leurs instruments. Les autres pièces sont plus ‘mélodiques’ et ‘conventionnelles’, mais comme Marc Moulin ne fait pas les choses à moitié, elles ont toutes un titre qui réfère aux différents styles musicaux ayant influencé le trio : Le Saule (soul), La Blouse (Blues), Le Beau Galop (Boogaloo) et La Bougie (Boogie).

Marc Moulin – Le Saule



Suite à la parution de Sam’ Suffy, Marc Moulin enregistra 5 disques de disco-pop-électronique avec la formation Telex, quelques disques solos, ou il retourne à un jazz plus traditionnel, en plus de produire et enregistrer de nombreux disques pour d’autres artistes, dont quelques-uns pour la chanteuse pop belge Lio. Il mena également une carrière de journaliste, jusqu’à sa mort en 2008. Pendant l’ensemble de sa carrière Marc Moulin a le mérite d’être toujours demeuré à l’avant-garde et de participer à établir les bases pour de nombreux styles musicaux à venir. Malheureusement, la disponibilité des albums de Marc Moulin est toujours déficiente. Malgré le fait que Sam Suffy soit réédité de manière décente en cd par Blue Note, les trois disques de Placebo sont toujours non disponibles. Il existe bien des versions vinyle ultra limitées, mais il vous faudra débourser plus de 50 Euros pour en obtenir une copie ; ce qui me paraît légèrement exagéré.



Sep 25, 2009

Hors-Série : Fini les folies et l'Orchestre Poly-Rythmo

Bon.. C'est le retour des vacances et le retour aux choses sérieuses !!!

Analog Africa fera paraître cette automne, le 26 octobre pour être plus précis, un 2ième disque dédié exclusivement à l'Orchestre Poly-Rythmo. Alors que le 1er volume se concentrait sur les enregistrements plus amateurs du groupe, ce deuxième volume comprendra des enregistrements réalisés au studio EMI de Lagos pour le compte de la cie béninoise Albarika Store.

Cette saison voit également le retour du Poly-Rythmo qui part en tournée européenne.
Détails et mix exclusif sur le site de Soundway.

Pour les malheureux, qui comme moi n'auront pas la chance d'assister aux concerts du groupe, voici deux vidéos pour vous consoler.



Jul 14, 2009

Hors-Série : Si, Para Usted Vol. 2

La compagnie canadienne Waxing Deep, responsable du podcast du même nom, vient de faire paraître la suite de l'excellente compillation Si, Para Usted, paru en 2007. Pour ceux qui s'intéressent aux rythmes révolutionnaires cubains, ce sera probablement un must (voir entrée no. 11 : Cuba). Peut-être même le disque de l'été !

Détails sur le site de Waxing Deep.

Jul 2, 2009

12 Burkina Faso

Victor Démé, Chapa Blues Records, 2008.

Ma connaissance de la musique du Burkina Faso est quasi nulle et se limite aux quelques cassettes trainant sur notre comptoir de cuisine, particulièrement celles de Black So Man et Bill Aka Kora, rapportées par ma blonde lors de ses séjours au pays. Selon Gérald Arnaud et Henri Lecompte, dans leur ouvrage Musique de toutes les Afriques (Fayard, 2006), le fait que les musiques des peuples « voltaïques » soient majoritairement instrumentales et attribuent une faible part au chant soliste expliquerait « la quasi-absence du Burkina-Faso dans l’explosion et le rayonnement mondial de la chanson moderne ouest-africaine. » Victor Démé, dont le 1er album connaît actuellement un fort succès en France, est présentement en train de changer cette réalité.

Ce disque de Victor Démé est le fruit d’une carrière ayant débuté il y a plus de 30 ans. Né d’une mère griotte et d’un père couturier, Victor Démé quitte le Burkina Faso à l’adolescence pour travailler dans l’atelier de couture familial à Abidjan. Pendant son exil en Côte d’Ivoire, il travaille le jour et fréquente les bars où il débute sa carrière de musicien la nuit. Il joue entre autre au sein de l’orchestre Super Mandé, mené par Abdoulaye Diabaté. Il quitte la Côte d’Ivoire pour retourner au Burkina en 1988 où il se joint à plusieurs orchestres de Ouagadougou dont l’Echo de l’Afrique et le Suprême de Comemba (un vraiment bon nom de groupe). Après plusieurs années de dur labeur, il enregistre son premier disque solo avec l’aide des organismes Ouagajungle et Soundicate, deux organismes voués à promouvoir la musique du Burkina Faso. (D’après les notes biographiques disponibles sur la page myspace de Victo Démé.)

À voir :

La musique de Victor Démé est plutôt simple et mélange des mélodies s’inspirant de la musique latine rappelant par moment la musique congolaise telle que celle de Franco et du TPOK jazz. Le premier extrait Djon maya, est une chanson simplement construite autour de deux guitares acoustiques, d’une basse, de 5 accords, d’une poignée de notes jouées par le guitariste soliste et de la superbe voix de Démé. Djon maya est une chanson d’une émouvante beauté et surtout la preuve que la simplicité a toujours bien meilleur goût.


Ma blonde, elle, préfère Adji de Black So Man.



Jun 19, 2009

Hors-Série

En attendant ma prochaine entrée (qui devrait être la semaine prochaine), gâtez-vous les yeux avec ces pochettes de 45 tours produites à la fin des années 1960 en Tchécoslovaquie. Dommage que la musique gravée dans les sillons de ces disques n'est pas top!



May 26, 2009

11 Cuba


Experimental Sound Collective of I.C.A.I.C, Cuba Va! : Songs Of The New Generation of Revolutionary Cuba, Paredon Records, 1971.
Pendant la première moitié du XXe siècle, l’île de Cuba, et tout particulièrement la Havane, était une échappatoire pour les Américains fuyant les diverses prohibitions. Contrairement aux États-Unis, les touristes américains en visite à Cuba pouvaient consommer en toute liberté une abondance de substances en plus de bénéficier des services des prostituées locales et d’un milieu culturel en pleine effervescence. À partir de 1959, la révolution cubaine marquera la fin abrupte de cette époque et le changement radical des politiques cubaines entraînera, à partir des années 1960, l’embargo de Cuba par les États-Unis.
Bien que Cuba fit connaître au monde certains des styles festifs et dansants les plus influents au monde tels que la rumba, le mambo et le cha cha cha, la révolution cubaine et l’idéologie communiste influencèrent les musiciens à développer une « nouvelle musique » plus radicale et patriotique. De même, afin de stimuler le sentiment d’appartenance et de fierté, le gouvernement de Fidel Castro investit considérablement dans ses politiques culturelles. L’état qui contrôlait les radios, les maisons de disques, les théâtres ainsi que les studios encourageait les jeunes musiciens en leur facilitant l’accès à ces infrastructures ainsi qu’à plusieurs institutions de formation professionnelle. Plusieurs musiciens, aujourd’hui connus comme les fondateurs de la Nova trova (nouvelles ballades) et de la Nova Cancion (nouvelles chansons) se rencontrèrent à l’Institut Cinématographique de Cuba (ICAIC), dont les plus illustres sont sans doute Silvio Rodriguez et Pablo Milanés. Dirigé par le guitariste Léo Brouwer, le Experimental Sound Collective of I.C.A.I.C. enregistra, pendant les années 1960-1970, beaucoup de musique pour de nombreux films cubains. L’objectif de leur musique était assez simple : divertir tout en se distinguant des modes occidentales associées à la domination coloniale américaine.
“we are struggling every day to free ourselves from the deformation of taste which is the result of colonial domination. The old idea that popular song lyrics should be simply entertaining was part of that, but now we understand that it is possible to be genuinely entertaining while making our ideological points clearly and poetically. And we also understand how much ideology is expressed in form, melody, rhythm, style, technique as well as lyrics.” – Pablo Menendez, dans les notes du disque Cuba! Va !
À écouter :
La pièce Cuba Va ! fut écrite et enregistrée en 1971 par le collectif pour servir de bande sonore au film du même nom. Elle est chantée par Silvio Rodriguez et est typique du mouvement de la nouvelle chanson cubaine des années 1970. Elle s’articule principalement autour du texte chanté et accompagné à la guitare acoustique. Le message positif et patriotique de la chanson est plutôt simple et pourrait se traduire simplement par ‘’Cuba s’en vient !’’, ‘’Cuba est là’’ ou encore ‘’let’s go Cuba!’’. C’est naïf, mais l’intonation dans la voix de Rodriguez, la progression d’accords joués à la guitare acoustique et les solos de guitare électrique, nous amènent quasi à taper du pied, lever le bras et chanter « aller Cuba ! » C’est pas rien.


Apr 23, 2009

10 Bahamas

The Mustangs, The Wonderful Side of, GBI Recording, 1975.

À partir des années 1950, avec l’émergence d’une classe moyenne dans les pays occidentaux et la démocratisation du voyage en avion, l’industrie du tourisme connut un développement phénoménal. Pour répondre à la demande, c’est une quantité impressionnante d’hôtels qui furent rapidement construis sur les côtes, souvent sauvages, de plusieurs pays d’Amérique Centrale et des îles des Caraïbes et des Antilles. Dans ces hôtels implantés en zones sauvages et au luxe souvent discutable, il y avait bien sûr la mer, le soleil, les sports nautiques, mais également le « nightlife ». Chaque hôtel offrait à ses vacanciers des spectacles mettant en vedette, entre autres, des orchestres de musique ainsi que des animateurs maison. Plusieurs de ces groupes enregistrèrent pendant les années 1960 et 1970 des disques destinés à être rapportés par les vacanciers en souvenir de leur séjour. En 1972, Frank Penn enregistra même un album intitulé : « Souvenir of Freeport Bahamas » produit par le ministère du tourisme. Aujourd’hui, ces disques réapparaissent en masse dans les marchés aux puces, bazars et ventes de garage. Il n’est d’ailleurs pas rare de trouver des exemplaires autographiés tel que cet album des Mustangs dédicacé : « To Cheryl : A Beautiful Lady ».

À Freeport, localisé à l’extrémité ouest de l’île de Grand Bahama, l’industrie de la musique fut principalement dominée par deux chanteurs soit : Jay Mitchell et Frank Penn. Ce dernier fonda le principal studio de Freeport ainsi que les maisons de disques GBI (Grand Bahama Island) Recording Co. et Penn Records. Jusqu’aux années 1980, il produisit et enregistra plusieurs « bons » disques dont ceux de Cyril Ferguson, Jay Mitchell ainsi que les Mustangs, un groupe de bord de piscine jouant un mix très honnête de calypso, de reggae et de soul américaine. Sans rien réinventer, les Mustangs enregistrèrent pendant les années 1970 trois albums très corrects comprenant plusieurs versions de chansons populaires américaines et jamaïquaines ainsi que ce qu’on pourrait appeler des « standards » de Freeport ; plusieurs de ces chansons furent écrites par Frank Penn, Cyril ‘Dry Bread’ Ferguson et Jay Mitchell. Les trois disques des Mustangs étaient conçus avec l’idée de recréer une soirée dans le sud avec le groupe. On a ainsi droit à quelques introductions de chansons, à la présentation en règle de chacun des musiciens et leur troisième album contient même un bon vieux medley ; simplement à se servir un verre de rhum et c’est tout comme si on y était.

À l’exception de Jay Mitchell, qui fit une tournée américaine pendant les années 1960, aucun des artistes de Freeport ne connut véritablement de succès à l’extérieur des Bahamas. À ce jour, aucun des disques des compagnies GBI et Penn ne sont disponibles au Canada ; la compagnie Numero Group a cependant fait paraître en 2007 : Cult Cargo : Grand Bahama Goombay, une excellente compilation qui fait un portrait des principaux artistes de Freeport des années 1960 et 1970.

À écouter :

Composé par Frank Penn, «The Time For Loving is Now» fut enregistré par plusieurs groupes de Freeport. La version des Mustangs est cependant ma préférée. J’aime particulièrement la qualité de l’enregistrement avec ses basses et percussions qui « grichent » ainsi que ces voix un peu perdues dans le mix qui ne font qu’accentuer le côté amateur de la production.