Oct 17, 2010

20 Pakistan


«The Sound of Wonder» : the first wave of plugged-in Pop at the Pakistani picture house. Finders Keepers, 2009
Les États-Unis ont Hollywood ; l’Inde Bollywood ; le Nigéria Nollywood et le Pakistan a Lollywood, nommé en honneur de la ville de Lahore, capitale de la province du Punjab où est situé l’industrie cinématographique.  Localisée au nord-est du pays, à la frontière de l’Inde, la ville de Lahore possédait jusqu’aux années 1980 une industrie cinématographique effervescente qui dominait le marché local.  Malheureusement, à partir de cette décennie, le contexte politique mouvementé du pays et l’invasion du marché local par Bollywood entraîna l’effritement progressif de l’industrie cinématographique pakistanaise. 
La compilation «The sound of Wonder» comprend un échantillon de musique de film enregistrée dans les studios d’Emi-Odéon à Lahore pendant les années 1970. En comparant les enregistrements de cette compilation à des productions indiennes de la même époque, on constate que les budgets n’étaient pas du tout les mêmes.  Alors que R. D. Burman et d’autres compositeurs indiens avaient accès à des budgets démesurés, aux meilleurs studios et orchestres de Bombay, les compositeurs de Lollywood avaient accès à une boîte à rythmes, deux guitares, un accordéon et une poignée d’effets spéciaux.  Pour se mesurer aux bandes sonores des méga-productions indiennes, les compositeurs pakistanais devaient faire preuve d’ingéniosité et littéralement faire plus avec moins.  De manière générale, les orchestrations des chansons sont plutôt brutes et organisées autour d’un noyau qui comprend guitare, basse, claviers, boîtes à rythmes et accordéons ; l’aspect plus spectaculaire de la production  se traduit surtout par l’utilisation à outrance d’effets sonores, souvent aux sonorités spatiales, qui donnent un caractère très psychédélique et avant-gardiste.
Comme en Inde, l’industrie cinématographique pakistanaise était dominée par la comédie musicale et avait son lot de vedettes.  Noor Jehan fut sans doute la chanteuse/actrice punjabi la plus connue et respectée de Lollywood. Pendant sa longue carrière, qui s’étend sur plus de 7 décennies, elle aurait enregistré plus de 10 000 chansons et mérité le titre de «reine de la mélodie».  Pour notre bon plaisir,  la compilation «The Sound of Wonder» comprend deux de ces 10 000 chansons.  Malgré ce petit échantillon, on peut constater que Noor Jehan avait une voix remarquable, principalement sur «I am very sorry» qui, avec ses rythmes répétitifs et sa guitare électrique «fuzzée», est sans doute l’un des morceaux les plus funky et déstabilisants du répertoire pakistanais.