Sep 28, 2009

13 Belgique

Marc Moulin, Sam’ Suffy, CBS, 1975.

La période de la fin des années 1960 et du début des années 1970 est sans doute l’une des phases des plus exploratoires de l’histoire de la musique moderne. C’est probablement le contexte de libéralisation et de modernisation de l’époque combiné à l’émergence de plusieurs innovations technologiques qui a ainsi poussé de nombreux musiciens à explorer de nouvelles textures musicales et à fusionner les genres. Le pianiste belge Marc Moulin est l’un de ces musiciens dont les expérimentations ont influencé le cours de l’histoire de la musique jazz et électronique, en plus d’inspirer de nombreux groupes et musiciens contemporains tels que Air, Stereolab, DJ Shadow et autres.

En 1969, Marc Moulin forme, avec le guitariste Philip Catherine, le groupe Placebo. Pionnier dans le genre de l’acid jazz, Placebo était en quelque sorte un collectif des musiciens de l’avant-garde belge de l’époque. Fusionnant des structures musicales et des arrangements hérités du funk, du jazz et du rock, ils créent une musique très cinématographique, rappelant parfois les bandes sonores de films de Serge Gainsbourg et Michel Colombier, où le côté exploratoire se manifeste principalement par l’utilisation de claviers et autres nouvelles machineries électroniques. Entre 1971 et 1974, le groupe enregistre trois très bons disques, dont certaines des pièces comme Balek et Humpty Dumty sont devenues des morceaux cultes de l’acid jazz.

Placebo – Humpty Dumpty



En 1975, moins d’une année après la séparation de Placebo, Marc Moulin enregistre le long jeu Sam’ Suffy. Ce disque, qui est la suite logique de ceux de Placebo est toutefois plus minimal et expérimental. L’univers de Sam’ Suffy, parce qu’il en est tout un, prend forme autour du trio composé de Marc Moulin (piano/claviers), de Richard Rousselet (trompette) et de Bruno Castelluci (batterie). Cette formation réduite est beaucoup moins rigide que celle de Placebo et laisse place davantage à l’expérimentation. Les musiciens explorent ainsi tant par l’utilisation de nouveaux instruments, telle qu’une basse électrique à fréquences modulables que par la transgression des structures habituelles de la musique jazz. La quasi moitié du court disque est d’ailleurs consacrée à une suite ambiante de quatre chapitres (Tohubohu) où les musiciens imitent des sons d’animaux de la jungle à l’aide de leurs instruments. Les autres pièces sont plus ‘mélodiques’ et ‘conventionnelles’, mais comme Marc Moulin ne fait pas les choses à moitié, elles ont toutes un titre qui réfère aux différents styles musicaux ayant influencé le trio : Le Saule (soul), La Blouse (Blues), Le Beau Galop (Boogaloo) et La Bougie (Boogie).

Marc Moulin – Le Saule



Suite à la parution de Sam’ Suffy, Marc Moulin enregistra 5 disques de disco-pop-électronique avec la formation Telex, quelques disques solos, ou il retourne à un jazz plus traditionnel, en plus de produire et enregistrer de nombreux disques pour d’autres artistes, dont quelques-uns pour la chanteuse pop belge Lio. Il mena également une carrière de journaliste, jusqu’à sa mort en 2008. Pendant l’ensemble de sa carrière Marc Moulin a le mérite d’être toujours demeuré à l’avant-garde et de participer à établir les bases pour de nombreux styles musicaux à venir. Malheureusement, la disponibilité des albums de Marc Moulin est toujours déficiente. Malgré le fait que Sam Suffy soit réédité de manière décente en cd par Blue Note, les trois disques de Placebo sont toujours non disponibles. Il existe bien des versions vinyle ultra limitées, mais il vous faudra débourser plus de 50 Euros pour en obtenir une copie ; ce qui me paraît légèrement exagéré.



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