Vercky
et l'Orchestre Vévé, Congolese funk, afrobeat and psychadélic
rumba, 1968-1978, Analog Africa, 2014
La République
démocratique du Congo, anciennement connue comme le Congo Belge
(avant 1971) et le Zaïre (de 1971 à 1997) est l'un des plus grands
pays d'Afrique avec quelque 70 millions d'habitants. C’est donc
naturellement dans ce pays, localisé au cœur de l'Afrique, que
s’est déroulé à partir des années 1950, une des plus
importantes révolutions musicales du continent. C'est plus
précisément dans la capitale, Kinshasa (anciennement Léopoldville),
localisée à l'ouest du pays, sur la rive sud du fleuve Congo, qu'a
pris place cette révolution. À cette époque, les échanges
commerciaux avec les pays des Caraïbes étaient nombreux.
L'équipage des navires provenant des Caraïbes comprenait plusieurs
matelots qui étaient également musiciens et dont certains
voyageaient avec leurs disques et leurs instruments de musique. À
leur arrivée dans le port de Matadi, certains offraient même la
chance d'écouter les derniers 78 tours de cha-cha-cha, de rumba et
de biguine provenant de Cuba, de la Guadeloupe et des autres pays des
Caraïbes en échange d'un peu d'argent. C'est donc via le trafic
maritime que sont arrivés sur le continent africain des styles
musicaux s'inspirant des traditions musicales originalement transportées dans les
caraïbes par les esclaves déportés de l'Afrique de L'Ouest.
La diffusion de ces musiques sur les ondes de Radio
Congo,
la radio nationale du pays, ainsi que le dynamisme des commerçants
à qui l’on doit l’avènement d’une centaine de discothèques
et de nombreuses compagnies de disques dans la capitale, ont stimulé
le développement rapide de l'industrie de la musique congolaise.
Encore aujourd'hui, elle est l'une des plus dominantes de toute
l'Afrique. C'est d'ailleurs pendant cette période, connue comme l'âge d'or de la musique congolaise, que plusieurs des plus grandes
vedettes ont amorcé leur carrière, dont les plus illustres sont
sans doute le Grand Maître Franco, le Seigneur Tabu Ley Rocherau et
Grand Kalle.
Les orchestres
professionnels de ces légendes étaient souvent la porte d'entrée
de l'industrie musicale pour de nombreux jeunes musiciens.
C'est ainsi qu'en 1963, après avoir joué au sein de petits
ensembles tels que Los Cantinas et le Jamel Jazz, que le jeune
saxophoniste Verckys Kiamwangama intégra le OK Jazz de Franco.
Ambitieux de créer et de mener son propre groupe, Vercky profitait
de ses contacts avec les autres musiciens de l'orchestre pour
organiser des sessions clandestines afin d'y enregistrer certaines de
ses compositions. Or, au sein du OK Jazz, ce genre de pratique était
mal vu et personne ne se devait de remettre en question le rôle
immuable du grand maître Franco. C'est donc sans surprise que Verckys fut congédié du Ok Jazz en 1968. Il profita de l'occasion pour
créer l'Orchestre Vévé ; le succès de cet orchestre fut énorme,
si bien qu'il est aujourd'hui devenu un incontournable de l'histoire de la musique
moderne congolaise. Bien que Verckys soit un multi-instrumentiste de
grand talent, il était également un homme d'affaires avisé.
Rapidement, il commença à diriger et à produire de nombreux
orchestres, et tranquillement, il développa un empire considérable
qui intégrait la totalité des installations nécessaires à la
production de disques, incluant tant les studios d'enregistrement
que l'usine de fabrication des disques. Le tout était logé dans
son immeuble, localisé au cœur de Kinshasa, le bien nommé Vévé
Tower.
Analog
Africa a fait paraître en décembre dernier une magnifique
anthologie couvrant les années 1968 à 1978 de l'Orchestre Vévé.
Bien que je connaisse quelques disques de l'Orchestre Vévé, la
totalité des chansons présentées sur ce disque m'était inconnue.
On peut bien sûr y entendre de la rumba et du soukous (Zonga Vonvon)
typiques de la musique moderne congolaise, mais l'anthologie met
davantage l'accent sur des pièces s’inspirant tant de l'afrobeat
de Fela Kuti (Bassala Hot) que du funk de James Brown (Cheka Sana,
Sex Vévé et Oui Verckys). Ce dernier couronna d'ailleurs Verckys
de Mr.
Dynamite lors
d'un séjour au Zaïre en 1974.
Comme
c'est le cas pour chacun des albums d'Analog Africa, la présentation
et le contenu sont très soignés et recherchés. Il est évident
que Samy, l'homme derrière le label, a mis beaucoup de temps et
d'énergie à peaufiner une sélection qui permettra finalement à
l'occident de découvrir les multiples talents de ce musicien qui
fait partie du paysage musical congolais depuis déjà presque 50
ans.
Le
site bandcamp d'Analog Africa (Où vous pouvez écouter et acheter ce disque) mentionne la possibilité d'une tournée
européenne à l'été 2015. Souhaitons que cette tournée se
poursuive ensuite dans les Amériques.