Orchestre Poly-Rythmo de Cotounou, The Vodoun Effect ; Funk & Sato from Benin’s Obscure Labels, Analog Africa, 2008
Le Bénin n’est pas l’un des pays d’Afrique où la musique moderne s’est le plus exportée ; les ouvrages généralistes traitant de la musique d’Afrique ne mentionnent souvent qu’Angélique Kidgo. Pourtant les rythmes des rituels du culte Voodoo, originaires du Bénin et importés en Amérique via le trafic d’esclaves provenant de la région du Golfe du Bénin, sont à la base de la musique noire nord-américaine.
À l’écoute de la récente compilation de l’Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou, devenu par la suite le Tout-Puissant Poly-Rythmo de Cotonou, il est difficile de comprendre pourquoi ce groupe ne s’est pas davantage illustré à l’international. Certains ouvrages prétendent qu’il était plus difficile pour les artistes francophones du Bénin de se démarquer en raison de leur enclavement entre ses deux imposants voisins anglophones : le Nigéria et le Ghana. Pourtant, le catalogue de l’Orchestre Poly-Rythmo comprenant plus de 500 chansons enregistrées entre 1970 et 1982, pouvait facilement rivaliser avec celui des autres grands orchestres des pays de l’Afrique de l’Ouest. En 1982, la mort de deux des membres fondateurs, Papillon (guitare) et Yehoussi Leopold (batterie), entraîna abruptement la fin du Tout-Puissant Poly-Rythmo au moment où ils connurent leur succès le plus important avec l’album Zero-Zero.
Musicalement, l’Orchestre Poly-Rytmo est semblable aux autres groupes populaires de la période de décolonisation. Il s’agit d’un mélange de funk, de rythmes traditionnels locaux et de textes chantés majoritairement en langue Fon et parfois en français. L’exécution des musiciens est toutefois remarquable et l’utilisation de certains instruments, dont un supposé tambour de plus de 1 mètre 75, et rythmes de la musique Vodoo ont permis au Poly-Rythmo de se forger un son propre à lui et de devenir le groupe de référence pendant les années 1970 au Bénin.
Pendant l’ensemble de sa carrière, le groupe était sous contrat exclusif avec Albarika Store, la plus importante compagnie de disques béninoise. Les disques produits par cette compagnie étaient enregistrés dans des studios professionnels tels que le studio EMI, localisé au Nigeria. Cependant, dans ses temps libres, où plutôt pendant les voyages d’affaires d’Adissa Seidou, propriétaire de la compagnie Albarika Store, le groupe enregistrait pour une multitude de compagnies locales tels qu’Aux Écoutes, Les Échos Sonores du Dahomey et Les Disques Tropiques/Production Satel. Ces compagnies qui opéraient avec des budgets plus que modestes avaient souvent à leur disposition que la console Nagra locale, quelques micros, souvent un seul, ainsi que les talents du technicien de la radio locale. En disposant les musiciens en demi-cercle autour du chanteur et du micro, celui-ci arrivait à obtenir un son incroyablement riche et texturé. L’excellente compilation The Vodun Effect : Funk & Sato from Benin’s Obscure Label focusse uniquement sur des enregistrements produits par ces petites compagnies. La compagnie Analog Africa fera paraître un volume 2, qui lui, portera sur les enregistrements du groupe produits par la compagnie Albarika Store.
À voir :
La chanson Gbeti Madjro, originalement paru en 1970, fut enregistrée pour la compagnie Albarika Store au Studio EMI au Nigéria. Comme Mélome Clément, compositeur, guitariste et chanteur du groupe perdit la voix juste avant l’enregistrement, c’est un autre membre du groupe, soit Lohento Eskill, qui chante sur cette pièce. Au départ, il semblerait que ce dernier ne voulait pas crier, mais Mélomé Clément l’y aurait forcé. Ses prouesses vocales, assez remarquables, auraient par la suite supposément créé un effet de mode et incité les chanteurs des autres groupes du pays à se mettre à crier sur leurs chansons.